15/06/2025

Malestroit : secrets d’une perle de l’Oust en Morbihan

Un écrin au fil de l’Oust : Malestroit, petite cité de caractère

On dit d’elle qu’elle scintille, discrète mais éclatante, au cœur du Morbihan intérieur. Malestroit, “la perle de l’Oust” — curieux surnom, qui glisse sur l’eau tranquille du canal, colporte de bouche en bouche depuis des générations. Ici, on n’aime pas en faire trop : la formule amuse, intrigue, mais elle n’est pas volée. Bien loin d’une coquetterie publicitaire, le surnom s’est tissé au fil du temps, entre villages de granit, reflets de rivière et histoires d’hommes et de femmes qui n’oublient rien du passé.

Accessible par la D764 ou à vélo sur le halage, Malestroit (2 603 habitants selon l’Insee 2021) s’est forgée une identité unique, au croisement des routes et du canal de Nantes à Brest (source Insee). Mais la vraie question, c’est : qu’est-ce qui rend ce bourg aussi singulier, et pourquoi ce nom de perle est-il, ici, mérité ? C’est au fil des ruelles, au gré des récits locaux et du rythme de la rivière, qu’on comprend ce qui s’attache à Malestroit.

Patrimoine et charmes du bourg : une cité médiévale préservée

De la pierre aux enseignes : vestiges vivants

Dès l’entrée par la place du Bouffay, on comprend vite que Malestroit se raconte d’abord avec ses vieilles pierres. Classée “Petite Cité de Caractère” depuis 1976, la commune garde l’allure d’un tableau médiéval, mais vivant : on y croise boulangers qui déposent la clef sur le comptoir, jeunes familles ou papis sur un banc, tout ça dans le décor des maisons à pans de bois et des enseignes sculptées (certaines datent du XVe siècle). Les façades de granit sourient tantôt à la lumière des matins de novembre, tantôt au soleil rasant d’avril.

  • Le pont du Moulin, dont les arches arrondies enjambe l’Oust ; d’ici, la vue sur les anciennes moulins vaut la pause.
  • L’église Saint-Gilles, commencée au XIIe siècle, mélange roman, gothique et flamboyant breton, nourrie des richesses du commerce fluvial.
  • De nombreux hôtels particuliers du XVIe, qui témoignent de la prospérité de la cité marchande.

Pas de musées sur-signalisés ici, pas de parcours audio guidé imposé. Il suffit d’errer, le nez au vent, pour tomber sur des gargouilles burinées, des linteaux mystérieux, ou sur ces détails qu’on ne trouve ni à Vannes ni à Auray. La place du Bouffay concentre cette âme : le mercredi matin, elle bruisse des échanges du marché, comme elle le fait depuis des siècles (Tourisme Broceliande).

Légende, Histoire et anecdotes locales

Ce qui distingue Malestroit, c’est la façon dont l’Histoire flirte encore avec le quotidien. On raconte que Jean II, Duc de Bretagne, y signa le fameux traité de paix du 19 janvier 1343, jetant une passerelle fragile entre France et Angleterre lors de la guerre de Succession de Bretagne. Plus tard, c’est là aussi que sera signé, en 1943, le manifeste fondateur du mouvement de résistance “Libé-Nord” dans l’arrière-salle du café du Commerce. Le grand et le petit Histoire à la même enseigne.

L’Oust : miroir du bourg, cœur battant de la vie fluviale

Un canal, mille usages

Longtemps, l’Oust fut une voie stratégique pour les marchandises, reliant Nantes, Redon, Rohan et au-delà. Aujourd’hui, le canal croise la cité et façonne son atmosphère. On y aperçoit au matin les fines brumes qui rampent sous le vieux pont tandis que passent :

  • Des pêcheurs à l’asticot (le silure n’est pas rare, la carpe non plus).
  • Des kayaks, canoës ou embarcations du club local (le Canoë-Kayak Malestroit organise des descentes et stages pour tous niveaux).
  • Des plaisanciers de la “voie verte”, en location de bateaux sans permis (navettes jusqu’à Josselin, Redon, ou Rohan).

Ce sont plus de 25 km de voies navigables entre Peillac et Montertelot, dont la portion malestroyenne reste une des plus appréciées des randonneurs et cyclistes de la Vélodyssée (source Vélodyssée). Sur les rives, la biodiversité s’invite à chaque détour : hérons, martins-pêcheurs, libellules et loutres d’Europe (« Observatoire des Mammifères de Bretagne »).

Fêtes, musiques et traditions sur l’eau

Tous les deux ans, Malestroit se fait théâtre : les “Fêtes de l’Oust” réveillent le port et convoquent chants marins, repas musicaux et défilé de bateaux illuminés. On y trinque verre de cidre à la main, face à la péniche “Dixie-Jazz” ou aux rivages éclairés. En été, les concerts organisés au bord de l’eau mobilisent associations et bénévoles, perpétuant un certain art de vivre au bord du canal.

On aime aussi y observer la “transhumance fluviale” : chaque printemps, ce sont des dizaines de bateaux de plaisance qui repartent vers Redon ou Pontivy, croisant sur l’eau la communauté des bateliers d’hier, et la “nouvelle” génération de caboteurs de loisirs.

Un cœur qui bat, une vie locale en ébullition douce

Marché, commerces, cafés : l’âme d’un village breton

A Malestroit, le marché est roi : tous les jeudis, sur la place Queinnec, chaque banc de fruits, de galettes ou d’huîtres rappelle que le territoire entre mer et terre. On vient y acheter aux producteurs de la région :

  • Des légumes du pays de Redon.
  • Le fromage des alentours de La Gacilly.
  • Galettes et crêpes encore tièdes sorties de la billig du coin.

Petite anecdote : à la boulangerie centrale, la “fameuse” tarte à la crème est un secret jalousement gardé depuis 1911. Les anciens prétendent qu’aucun mariage de Malestroit n’est légitime sans elle ! (Témoignages recueillis auprès des habitants de Malestroit, 2023)

Les cafés de Malestroit ont leur tempérament : ainsi Le Grain de Sel, près du canal, mélange voiles, concerts et dégustations. Comme au “comptoir”, on s’y apostrophe, on y cause d’actualité ou des régates, on refait même, parfois, l’Histoire du bourg.

Événements et initiatives

La “Perle de l’Oust” vibre au rythme d’initiatives diverses :

  • Le festival Au Pont du Rock, lancé en 1991, a attiré des têtes d’affiche comme The Kooks, Peter Doherty, ou les Négresses Vertes. Il réunit jusqu’à 18 000 spectateurs et rayonne bien au-delà du Morbihan.
  • Un réseau associatif riche, entre Amap, ateliers d’arts, brocantes et ciné-club itinérant (programmation consultable sur Site mairie Malestroit).
  • Un centre culturel où théâtre, danse et expositions nourrissent la vie locale.

Tout cela tisse une solidarité qui ne dit pas son nom et qui fait, au fond, la vraie perle : celle d’un quotidien dense, amical, créatif, jamais replié sur lui-même.

À table, sur l’eau, à pied : Malestroit à vivre, pas à consommer

Marcher autrement

Le sentier de halage permet de rejoindre Josselin à pied (15 km direction nord-est), mais il y a aussi des boucles moins courues, qui passent par les landes et la chapelle de la Madeleine (XVe siècle). À chaque détour, des roselières, des pontons de pêche, la lumière qui joue sur l’eau… Les promeneurs le savent : ici, même la pluie a du charme, tapant sur les feuilles de chêne et parfumant l’air d’herbes coupées.

Bons coins de bouche

Pour les curieux engagés, la vraie cuisine malestroyenne n’est pas en vitrine mais sur les bancs de marché et dans quelques adresses bien connues :

  • Le restaurant Auberge de la Tour (cuisine du marché, produits locaux, spécialité de sandre au beurre blanc).
  • Des crêperies familiales où la farine de blé noir vient de Bieuzy.
  • Des food-trucks présents lors des festivals, comme les galettes-saucisses du boucher local.

On retrouve aussi — c’est moins connu — un petit torréfacteur de café, artisan moderne installé depuis 2016, qui alimente toute la vallée de l’Oust (voir Malestroit Coffee).

Les habitants : une identité affirmée, hospitalière

À Malestroit, chaque “Malestroyen” — c’est le nom des habitants — porte une double fierté : celle d’une ville qui ne transige pas sur l’authenticité, et celle d’un bourg qui sait accueillir. Beaucoup de familles sont là depuis plusieurs générations, mais la population se renouvelle : les artisans de la région, quelques néo-ruraux venus pour la qualité de vie, et des artistes, attirés par le charme des ruelles.

Une étude municipale de 2022 (voir PDF mairie) note que plus de 15% des habitants ont moins de 20 ans, ce qui explique le dynamisme de ses associations sportives ou de musique.

Malestroit demain : la perle à l’abri, mais pas figée

Ce qui saute aux yeux, c’est que la force de Malestroit, c’est son équilibre : savoir préserver sans se figer, innover sans renier, accueillir sans s’oublier. On le sent dans la vigilance portée à la rénovation des maisons, dans les débats sur la place des voitures, dans la montée en puissance du tourisme doux (balades guidées à pied ou à vélo, hébergements labellisés Accueil Vélo). De nouveaux projets voient le jour : maison médicale, démarches citoyennes pour verdir la rive gauche du canal, réhabilitation des friches industrielles.

La perle de l’Oust, ce n’est pas un joyau à admirer derrière une vitrine, c’est un cœur à partager, une histoire à continuer. Les portes sont ouvertes — mais ici, on demande juste une chose : marcher avec respect, écouter, lever les yeux, et peut-être, s’attarder assez longtemps pour comprendre le fil ténu qui relie ce bourg à tous ceux qui y passent.

Pour ceux et celles qui cherchent plus qu’un décor, Malestroit promet : de l’authentique, du vivant, et un accueil sincère. L’esprit de la perle, à vivre, tout simplement.

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