19/06/2025

Marcher à Lizio : Art, ferraille et chemins de traverse

Lizio, le village loin des clichés

Au cœur du Morbihan, Lizio ne se raconte pas avec de grands mots. Rien ne crie à l’entrée du bourg, pas d’immenses panneaux clignotants pour attirer le chaland, mais des chemins creux, des murs couverts de lichens et un vent qui apporte des bribes d’atelier et de poésie. Un village où les noms des rues font sourire et où la balade ne se réduit pas à cocher des cases sur un guide touristique.

Ici, la devise pourrait bien être celle qu’on entend parfois au marché : « On fait les choses à notre sauce, mais on les fait bien ! »

Pourquoi Lizio attire-t-il autant les curieux ?

  • Moins de 800 habitants, mais une densité rare d’artistes et d’événements toute l’année.
  • Un tissu associatif qui fourmille, porté par des habitants têtus et bienveillants.
  • L’esprit brico-artisanat fait main : c’est le règne du recyclé, du réinventé, ici on préfère donner une seconde vie que jeter.
  • Une histoire discrète, davantage nourrie de passions collectives que de faits d’armes historiques.

Pourtant, Lizio n’est pas un village-musée figé, mais un endroit qui vit, où la création s’invite dans le quotidien : dans les ruelles, dans les cours, et jusqu’au cimetière qui abrite la tombe insolite du « poète ferrailleur » Jean-Yves Kervévan.

Le Poète Ferrailleur : l’âme d’un village

Impossible d’évoquer Lizio sans se pencher d’abord sur l’œuvre de Robert Coudray, le fameux « poète ferrailleur » (site officiel). Ses créations habitent le village depuis plus de 30 ans. Sur un ancien corps de ferme transformé, Coudray a bâti un monde à part entière : plus de 70 machines animées, sculptures de métal et de matériaux de récupération, ballets d’automates, tours hirsutes et jardins extravagants. Chaque pièce est bricolée, polie, remise sur pied à partir de bribes de l’ancien monde.

  • Le parc du poète ferrailleur accueille environ 25 000 visiteurs par an : une petite foule pour un village aussi modeste.
  • Horaires : ouverture d’avril à octobre, le reste du temps sur RDV pour les groupes. Prévoyez 2 à 3 heures sur place rien que pour explorer le site.
  • Tarif (2024) : 10 € adulte, 7 € enfant. Pour la qualité, rien d’industriel, tout est bichonné.
  • Adresse : Lieu-dit La Ville Stéphant, à 1 km à peine du bourg.

Ici, même les parkings sont pensés autrement. Pas de bitume brut, mais un verger, un coin pour pique-niquer champêtre parmi les sculptures. Conseil : venez tôt. L’après-midi, surtout pendant l’été, le flot grossit et la poésie se partage moins discrètement.

À ne pas manquer sur place :

  • La Machine à Attraper les Rêves : entre mécanique et mirage, grande favorite des enfants (et des adultes curieux).
  • La cabane perchée et la serre à bulles.
  • Le passage par la « salle des sages » : une pièce feutrée où l’on peut prendre le temps de savourer le bric-à-brac d’inventions, chaque bidule porteur de mots peints à la main.

Petite anecdote locale : Robert Coudray a aussi tourné plusieurs films à Lizio, dont (2019), tissant une communauté de bénévoles sur plusieurs étés – l’énergie de Lizio tient aussi à ces élans collectifs.

La balade dans le bourg : un musée à ciel ouvert

Une fois l’univers du Poète Ferrailleur exploré, il faut se perdre à pied dans Lizio même. Le bourg a gardé une silhouette modeste, entre maisons en granit patiné, vieilles pierres qui racontent le temps, et ruelles fleuries.

Parcours conseillé :

  1. Départ de la place de l’église (Saint-Luc), axe du village. Ne ratez pas le café du coin – ouvert certains soirs pour des concerts ou des lectures impromptues.
  2. Flânez vers la rue des meuniers, puis bifurquez rue du Four. Certains ateliers ouvrent ponctuellement leurs portes (notamment à la belle saison).
  3. Observez les détails aux fenêtres : céramiques, balcons ornés, et ces bruits d’atelier qu’on devine en passant.

Lizio est membre du réseau des "Communes du Patrimoine Rural de Bretagne" (source : Patrimoine.bzh). Cela ne tombe pas du ciel : ici, chaque muret, chaque fontaine est bichonné, la moindre fête de village fait la part belle au partage de savoir-faire anciens.

  • À voir : la fontaine Saint-Lubin (XVIIe), restaurée par des bénévoles, rendez-vous chaque deuxième dimanche de novembre pour le pardon local.
  • Le lavoir du bourg, simple mais témoin précieux de la vie quotidienne d'autrefois.

Lizio, un village d’artisans – et de surprises

Si Lizio compte autant d’artistes, ce n’est pas le fruit du hasard. Dès les années 1980, des potiers, tourneurs, céramistes – souvent venus « d’ailleurs » – s’installent, séduits par la possibilité de tout inventer, loin des grands axes. Ce bouillonnement s’ancre dans les événements locaux.

Le Festival « L’Art dans les Chapelles »

  • Chaque été, depuis 30 ans, ce festival transforme les chapelles et endroits discrets du Morbihan intérieur en lieux d’expositions et de dialogues entre création contemporaine et patrimoine religieux (source : Art dans les Chapelles).
  • Lizio accueille presque chaque année une ou deux installations éphémères en juillet-août.
  • Accès libre, idéal en complément d’une balade villageoise.

Le Musée du forgeron

  • Installé derrière l’église dans une ancienne forge. Il retrace la vie des métiers du métal à travers plus de 1000 outils et machines, rassemblés par une poignée de passionnés. Tout sent bon le charbon et l’acier vieilli par les ans.
  • Ouverture limitée : principalement en été et pour les groupes sur réservation.
  • Contact : mairie de Lizio (site officiel).

Artisanat en vrac : quelques adresses

  • Les Poteries de l’atelier du Chêne (rue du Four) : grès tournés à la main, décoration typique, accueil direct par l’artisan. Ouverture au gré de la journée – ne pas hésiter à pousser la porte ou à demander au voisin !
  • Atelier de la Vannerie de l’Oust : paniers, objets rustiques et démonstrations sur rendez-vous (ouvrages en osier cultivé localement).
  • La Galerie du Village (près de la mairie), réunit à l’année travaux de peintres, graveurs, photographes, petits prix et vente directe.

Si vous êtes du genre matinal, croiser un artisan au détour d’une ruelle est quasiment garanti. Parfois, le dialogue se fait spontanément, le banc devant la porte servant de comptoir éphémère.

Des fêtes pas comme les autres

Certes, chaque village breton revendique « sa » fête, mais Lizio n’aurait jamais la même couleur sans ses grands rendez-vous annuels, qui brassent population locale, artistes et curieux venus de loin.

  • La Fête des Vieux Métiers (mi-août, autour du 15 août). Créée en 1980, elle réunit plus de 400 bénévoles et attire chaque été jusqu’à 15 000 visiteurs en une journée, selon Ouest-France. On y voit à l’œuvre forgerons, potiers, maréchaux-ferrants, fabricants de sabots, sans oublier musiciens et conteurs. Un must pour les curieux du patrimoine vivant. Source
  • Marché artisanal de Noël : très couru, avec des créations originales, et une ambiance chaleureuse.
  • Des petits concerts et expos organisés régulièrement, souvent annoncés en dernière minute dans les commerces ou sur les panneaux près de l’église.

Anecdote : lors de la fête des Vieux Métiers, de jeunes apprentis de toute la Bretagne viennent « s’essayer » au geste d’antan, révélant parfois l’envie de s’installer à Lizio à l’année.

Prendre son temps : infos pratiques

  • Accès : Lizio se situe à 15 km au nord-ouest de Ploërmel et 41 km de Vannes. Comptez une trentaine de minutes depuis l’axe Rennes–Vannes (sortie Malestroit). Peu ou pas de bus, donc la voiture reste nécessaire.
  • Se loger : Quelques chambres d’hôtes et gîtes « à l’ancienne », à taille humaine (La Petite Presqu’île, Ty Forn). Réservation recommandée en été.
  • Où manger : restaurant « Chez Bernard » sur la place, cuisine programmée en fonction du marché du jour. Privilégier la réservation – peu de couverts.
  • Côté balade : plusieurs chemins de randonnée (balisés jaune), dont le « Sentier des Verreries » (8 km), parfaite boucle à la demi-journée, entre ruisseaux, sous-bois et vieilles demeures préservées.
  • S’il pleut (souvent, on est en Bretagne…) : la salle polyvalente du Poète Ferrailleur, la galerie ou le café du bourg offrent un abri sans perdre l’esprit du lieu.

Quelques conseils pour explorer Lizio « à la façon Morbihan »

  • Privilégier la visite hors saison : le village se montre alors plus intime, l’échange s’y fait vrai, loin des brassées de touristes d’août.
  • Se laisser surprendre : ici, la porte s’ouvre si on prend le temps de frapper, la terrasse s’invite si on ose dire bonjour.
  • Ouvrir l’œil sur les petites annonces, les affichettes et le bouche-à-oreille local : les meilleures rencontres se cueillent ainsi à Lizio.
  • N’oubliez pas les bottes ou de bonnes chaussures : le granit glisse, l’herbe mouille, et un chemin détrempé mène parfois à la plus belle trouvaille.

Lizio, toute une vie à réinventer

On vient à Lizio pour la curiosité, on y revient pour l’ambiance. Ce bourg du Centre-Bretagne prouve qu’avec de la patience, une bonne dose d’inventivité (et un amour gourmand des choses hors normes), un village peut redevenir un lieu où l’on crée, où l’on partage, où l’on fait ensemble. Les visiteurs en repartent souvent les poches lestées d’une figurine, d’un poème, d’une adresse griffonnée – et la tête pleine d’idées à bricoler.

Pour qui cherche le Morbihan loin des routes tracées, Lizio reste un de ces endroits que le GPS oublie parfois, mais que l’on n’oublie plus après y avoir traîné ses chaussures. C’est là tout son art.

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