06/10/2025

Quand la forêt rencontre la pierre sacrée : itinéraires, récits et secrets du Morbihan caché

Marcher ici, c’est relier l’invisible

Le Morbihan, ce n’est pas un simple décor de carte postale où la lande rencontre la mer. C’est un territoire où la marche, toujours, finit par donner rendez-vous à la pierre levée, à la chapelle oubliée, entre deux talus moussus. Arpenter le Morbihan, c’est filer d’un bois à l’autre en filant le fil fragile du patrimoine, souvent hors balisage et loin des spots surfréquentés.

La région compte plus de 230 forêts domaniales, communales ou privées, selon l’ONF (Office National des Forêts). Côté chapelles, le chiffre donne le vertige : près de 600 chapelles recensées rien que dans le département (Patrimoine.bzh) – soit la plus forte concentration de France à l’échelle d’un territoire aussi compact.

Mais comment lier ces deux mondes ? Comment composer des boucles ou des journées mêlant la promenade sous les arbres et la visite de ces abris de pierre, parfois sans village autour ? Expériences, bonnes pratiques, petites astuces et chemins préférés, tout passe ici.

Pourquoi le Morbihan enfile-t-il si bien les chapelles dans ses forêts ?

Bien souvent, en forêt de Camors, de Pontcallec ou de Floranges, on pousse un talus et voilà qu’une nef de granit, minuscule et posée sur la bruyère ou dans le velours des mousses, s’offre à la surprise. Cette spécificité s’explique : dans le Morbihan, la plupart des chapelles “isolées” sont nées des dynamiques de défrichements du Moyen Âge, placées à distance des bourgs pour desservir des hameaux ou pour christianiser des sites païens.

À titre d’exemple, près de 60% des chapelles morbihannaises sont encore hors des bourgs (source : Patrimoine.bzh), souvent adossées aux landes, forêts ou en lisière du bocage. Un héritage qui fait la marque de fabrique du tourisme local, mais encore si peu exploré en dehors des grandes pardons annuels.

Leur architecture, sobre, efficace, sans esbroufe, dit beaucoup du génie rural breton. Porte basse, pierre brute, trace de polychromie parfois, et surtout la présence d’une fontaine – toujours associée, et presque toujours perdue, cachée plus bas, humide et frémissante.

Préparer un circuit forêt-chapelle : mode d’emploi pour marcheur curieux

1. Identifier les zones propices

Quelques territoires s’imposent pour ce jeu de piste :

  • La forêt de Camors et le secteur de Pluvigner : plus de 10 chapelles dans un rayon de 15 km — dont Ste-Barbe au cœur des bois.
  • Le Val sans Retour et la forêt de Brocéliande (Morbihan Est) : des sites emblématiques (Tréhorenteuc, chapelle du Graal) et des sentiers légendaires, souvent peu balisés côté Oust.
  • Landes de Lanvaux : paysage boisé, collines douces, chapelles souvent de granite, comme à St-Quidy ou Ste-Anne d’Auray, un peu en décalage mais accessible à pied par des chemins peu fréquentés.

2. Privilégier la “petite rando” plutôt que le GR

Les GR, c’est le rail du randonneur. Mais ils esquivent souvent les chapelles, qui sont sur les “chemins creux” ou d’anciens sentiers de desserte locaux. Mieux vaut :

  • Étudier les cartes IGN (papier ou Geoportail).
  • Taper “circuit chapelles” dans les offices de tourisme :
    • Morbihan Tourisme propose de nombreux circuits patrimoine – attention, beaucoup sont à adapter.
    • Repérer les chemins d’exploitation sur les cartes cadastrales récentes.
  • Se fier au bouche-à-oreille : au marché ou dans un café, demander simplement “celle du fond des bois, elle est où déjà ?”.

3. Respecter – toujours – les lieux et ceux qui y vivent

  • Ne pas s’aventurer dans une parcelle privée sans y être invité.
  • Refermer portillons et barrières (terres agricoles).
  • Laisser la porte de la chapelle telle qu’on l’a trouvée (ouverte = ouverte, fermée = fermée).
  • Ramener ses déchets, évidemment.

Quelques boucles testées, approuvées, à adapter selon l’envie

Autour de Camors : la forêt sacrée

  • Départ : Parking "La Chapelle Ste-Barbe" à Camors (coordonnées GPS : 47.8214, -3.0431)
  • Durée : 11 km – 3h environ (sans compter les arrêts contemplation !)
  • Points d’intérêt :
    • Chapelle Ste-Barbe, perchée sur son promontoire rocheux, avec sa fontaine “miraculeuse” plus bas
    • Grandes allées rectilignes issues de l’exploitation forestière du XIXe siècle, ambiance mystérieuse de hêtraie-sapinière
    • Ancien moulin de Poulguidic en ruine, traversée de la rivière d’Evel, retour par des landes à ajoncs
  • À savoir : L’axe Pluvigner-Pontivy était au XIXe l’un des grands réseaux de chemins de pèlerins du secteur (Mairie de Camors).

St-Gildas-de-Rhuys - Forêt et ermitages côtiers

  • Départ : Place de l’Abbaye de St-Gildas
  • Durée : 12 km (libre boucle, fléchée sur place partiellement)
  • Points d’intérêt :
    • Petites clairières en lisière de la forêt domaniale de Rhuys
    • Chapelle Notre-Dame de la Côte, modeste, paisible, vue sur les prés-salés
    • Découverte du ruisseau du Rohu puis repli sur l’abbaye bénédictine avec passage aux mégalithes environnants
  • Bon à savoir : La chapelle fut, durant des siècles, un point de repli pour les paysans et les pêcheurs pendant les tempêtes. Les traditions orales locales regorgent d’ex-votos marins (stgildasderhuys.fr).

L’Arz en fil d’eau : chapelle, haies et horizon

  • Départ : Bourg de l’Île d’Arz (accessible par bateau, 15 min depuis Vannes)
  • Parcours : 8 km, sans balisage, à construire d’après la carte
  • Points d’intérêt :
    • Chapelle de Croisty, isolée dans la “forêt” insulaire (dense haie vive, chemins creux, bruit du vent dans les frênes)
    • Cheminement dans les passages entre murets, prairies et roselières
    • Découverte des fontaines et lavoirs associés aux anciennes chapelles, typiques du territoire
  • Anecdote locale : L’île compte presque autant de chapelles et calvaires que de villages, un record en Bretagne insulaire (iledarz.fr).

Que trouve-t-on dans ces chapelles perdues ? Secrets et rencontres

Visiter ces chapelles, c’est bien plus qu’admirer une porte en ogive ou un vitrail naïf.

  • Croix et ex-votos : Ici, les murs portent encore les traces d’une Bretagne “magique”. Des bateaux miniatures, des béquilles, des galets gravés témoignent des voeux exaucés. C’est visible à Ste-Barbe, à Locmariaquer, à la chapelle St-Fiacre de Le Faouët…
  • Légendes de fontaines : Rares sont les chapelles sans leur source. À Ste-Barbe (Camors), on venait guérir la stérilité ; à St-Nicodème (Plouay), le mal de dents.
  • Pierres gravées, blasons, graffiti de notables ou de “mauvais garçons” : Des signatures du XVIIe siècle ou de simples coeurs. Les murs ont la mémoire épaisse.

L’été, lors des pardons ou des veillées, la chapelle redevient vivante : cantiques, galettes, cidre, tout un peuple. Hors-saison, on y croise plus sûrement la solitude et, parfois, une chouette égarée.

Points de repère pour prolonger l'exploration

  • Cartes et applis utiles :
    • Géoportail IGN – accès aux sentiers et noms-dits oubliés.
    • Randobreizh – randonnées commentées par des bénévoles locaux.
    • Application "Balades en Bretagne" – informations sur patrimoine et géolocalisation en forêt (gratuite et fiable).
  • Livres qui font voyager :
    • Les chapelles bretonnes, Jean-Jacques Riou – Inventaire sensible et historique.
    • Balades secrètes en Bretagne Sud, Hervé Ronné – Idées de circuits hors des radars.
  • Petits conseils bonus :
    • Viser tôt le matin ou tard l’après-midi : atmosphère différente, tranquilité assurée.
    • Amener une lampe et quelques pièces : certaines chapelles restent obscures et la boîte à dons locale mérite d’être garnie.

Entre arbre et granit, une expérience à partager

Relier balades en forêt et visites de chapelles, c’est tomber, presque à coup sûr, sur quelque chose d’ancien, d’invisible pour l’automobiliste pressé. C’est aussi prendre le temps de s’asseoir au seuil de l’édifice, écouter ce qui bruisse dans les arbres, songer à la force de ce peuple rural qui a édifié tant de petits monuments — souvent sans orgueil, jamais sans nécessité. Que l’on vienne pour les histoires, le silence ou la mousse sur les murs, la magie du Morbihan, elle est là : belle et tranquille, à l’intersection de la simple marche et du patrimoine du quotidien.

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