On oublie trop souvent : le Morbihan, c’est la Bretagne intérieure autant que le littoral. Son paysage, travaillé par l’eau depuis des siècles, a vu fleurir des centaines de moulins et presque autant de lavoirs. Si beaucoup sont tombés dans l’oubli, d’autres se laissent encore approcher pour qui prend son temps.
Aujourd’hui, une poignée seulement ont résisté à la modernité écrasante. Mais quelles pépites. Voici une sélection choisie des plus beaux moulins et lavoirs encore visibles, restaurés ou dans leur jus, pour les curieux de passage ou les amoureux du patrimoine.
Sur le port d’Auray, le moulin se dresse au bout d’une digue. Il utilisait l’énergie des marées, bien différente du bourdonnement régulier de la rivière. Inscrit aux Monuments Historiques, il rappelle le temps où la ville vivait de la farine, des cargaisons de sel et du tumulte du Blavet.
Ici l’eau clapote sous la roue, la maçonnerie est tapissée de lichens. Les bénévoles font visiter certains dimanches, racontent les “minoteries” rurales, les entailles dans la meule laissées par plusieurs générations. On sentirait presque encore l’odeur du grain mouillé, la farine sur les habits.
Il fut le cœur d’un écosystème rural : pâturages, potagers, mare aux canards. Aujourd’hui, le moulin de Kerbastic impressionne par sa taille modeste mais sa force d’évocation. Sur la Scorff, il murmure les manœuvres du passé.
Rares sont les moulins à vent qui ont survécu aux rafales bretonnes et à l’abandon. Mais quelques silhouettes, fières, se dressent encore.
Isolé sur sa butte, offrant un panorama ample sur tout le bocage. Ce moulin était autrefois point de repère pour les marins. Restauration minutieuse, meule authentique visible.
Abandonné à la fin du XIX siècle, ce moulin à vent fut l’un des derniers à tourner pour le village de Lignol. Plusieurs habitants racontent qu’on y brûlait jadis des cierges à la Toussaint, pour “faire tourner la chance”.
Le lavoir, c’est l’histoire des femmes — mais aussi d’une solidarité de village. On y partageait les nouvelles, on y hurlait après les gosses. En Morbihan, plusieurs lavoirs sont encore visibles, miraculeusement épargnés par la modernité, parfois mis en beauté par des associations ou des habitants concernés.
Lavoir couvert, structure en granite, autrefois lieu de rendez-vous des lavandières de la vallée du Blavet. Les anciens racontent que le linge y gelait parfois sur la margelle, quand la rivière charrie les premières glaces.
Un bassin rond, toit de chaume autrefois, et une source qui coule encore. Ici, des panneaux racontent le quotidien des lavandières : elles y lavaient le drap du ménage, mais aussi les linceuls, lors des périodes de deuil. On y vient aujourd’hui pour la fraîcheur, le silence et l’histoire.
Les enfants du coin y organisent encore des « courses de feuilles » en automne. Le granite noir poli par l’eau, une lumière qui accroche la mousse, rien que pour vous.
Parcourir les plus beaux moulins et lavoirs de la campagne morbihannaise, c’est approcher un passé pas si lointain où l’eau dictait tout : la cadence des jours, les amitiés, les bouderies, les naissances comme les veillées d’hiver. Ce sont des lieux où le bruissement de l’eau conte mieux que personne la patience des hommes et des femmes d’ici. Impossible de les évoquer tous ; chaque village ou presque cache son moulin privé, son lavoir abandonné, l’histoire que la grand-mère du coin murmure encore à qui veut bien l’entendre.
Si vous en découvrez d’autres lors de vos escapades, surtout prenez le temps de vous asseoir sur une margelle, d’écouter. Il se pourrait qu’entre deux gouttes, le Morbihan vous parle vraiment.